Gabriel Francès m’a parlé pendant environ 30 minutes
Quand je l’ai repéré lors des fameuses Toulouse Comedy Nights, je me suis toujours dit que Gabriel Francès avait une espèce d’aisance et de culot sur scène à la fois fascinants, à la fois intrigants. Et puis, il y a aussi cet écart entre l’humoriste à la répartie bien trouvée, et la personne, qui s’étonne encore de son succès. Je me souviens, lors de la fin d’une scène ouverte, l’avoir félicité pour le presque million de vues de son clip Gangters Modérés, avec ses copains Fabien Guillbaud et Romuald Maufras. Et de sa tête sincèrement surprise, bégayant presque un « Ben merci, mais… mais comment tu connais ? »
Sur sa biographie teintée de son humour ravageur, sur laquelle j’avoue, j’ai un peu gloussé, on apprend qu’il a commencé sa vie d’artiste par du théâtre, puis s’est chauffé sur l’improvisation, en passant par la radio. Mais aussi qu’il est passé par un parcours plus « typique » avec un master d’économie, un passage chez Airbus, et puis, des concours d’humour. Mais quelque chose me disait qu’il ne nous disait pas tout…
J’avais donc hâte d’échanger avec l’authentique Gabriel, sur son métier d’humoriste et puis les autres (parce qu’il y en a d’autres), sur son enfance, ses rencontres, sur les clichés, sa vie, son œuvre.
Parle-nous un peu de ce dont tu parles moins, ton métier d’auteur…
En ce moment, j’écris pour le spectacle et la chronique de Walter dans l’émission Ça balance à Paris, sur Paris Première, qui passe tous les samedis soir. J’ai aussi écrit pour les vidéos de Vérino et pour les chroniques de Lamine Lezghad, quand il était au Grand Journal sur Canal +.
Comment les as-tu rencontrés ?
C’est sur la scène du Printemps du Rire que j’ai rencontré Lamine Lezghad et Vérino, qui ont pris mon numéro à la fin du spectacle. Je pensais que c’était juste pour le geste, et, complètement ouf, ils m’ont rappelé. Vérino likait mes vidéos sur ma page, c’était dingue, puis il m’a contacté pour faire sa première partie quand il est venu jouer à Toulouse, et pour co-écrire ses vidéos « Dis Donc Internet ». Walter m’avait lui contacté après mon passage au festival d’Avignon. Et là, je le dis pour ceux qui veulent se lancer, il faut vraiment que les gens te voient jouer, parce que tu sais jamais qui peut être dans la salle, qui peut potentiellement te recontacter et t’amener des supers opportunités.
Comment ça se passe d’être l’auteur de quelqu’un ?
Chaque personne fonctionne différemment. Avec Walter, on écrit chacun de notre côté. Il m’envoie des thèmes, je lui propose des trucs, il les mélange avec les siens et les mixe pour les adapter à sa façon de raconter. C’est une super collaboration qui je pense va durer ! Je lui ai dit que je devais faire sa première partie quand il sera à l’Olympia … (rires). Avec Lamine, c’était très interactif, on se partageait des Google Doc où chacun mettait son grain de sel, parfois il avait un début, je trouvais la chute, ou bien il m’envoyait des thèmes.
C’est pas frustrant d’écrire pour les autres ?
Vu que je suis aussi humoriste, j’ai cet espace de liberté où je peux faire mes propres blagues sur le ton que je veux. Comme j’ai les deux, pour l’instant je suis pas frustré, c’est vraiment cool.
Parle-nous du Gabriel Francès petit …
La fascination pour ce métier vient de l’enfance. Je voyais les humoristes comme des dieux, des gens capables de parler une heure et faire rire du monde, c’était un rêve un peu fou. Moi, j’étais déjà juste content quand je faisais rire mes copains ou mes parents. Bon, de façon discrète quand même, j’aurais jamais été celui qui jette des bouts de papiers dans le dos du prof, j’étais beaucoup trop lâche pour ça ! A l’époque il y avait pas trop d’humoristes non plus, ce qui rendait l’idée encore plus inaccessible. C’est vraiment quand j’ai vu qu’il y avait une nouvelle vague de jeunes qui se lançaient que je me suis dit « Pourquoi pas moi ? ».
Comment s’est passé la confrontation entre ce fantasme et la réalité du métier ?
Je me suis rendu compte que c’était très long d’avoir un spectacle de plus d’une heure qui cartonne. Tu dois d’abord faire des petits passages courts sur des scènes ouvertes, de 5 à 10 minutes, pour être sûr que ça fonctionne. T’as pas le droit de faire payer pour que les gens se marrent uniquement la moitié du temps. On le sait pas trop, mais même les personnes connues, comme Gad Elmaleh, se testent dans des petites salles ! J’ai vraiment appris que c’était un métier d’artisan, avant d’avoir un spectacle entier qui marche. ©Toulouse Comedy Night
Justement, quels sont les préjugés auxquels les humoristes sont confrontés ?
« On fout rien ! » Les gens ne se rendent pas compte du temps qu’il faut pour qu’une blague fonctionne. On joue seulement quelques fois dans le mois, mais le travail de préparation est constant, même quand on ne travaille pas. On est toujours à noter des idées dans nos téléphones.
Il y a aussi cette illusion où les gens pensent que si t’es pas à la télé t’es pauvre, et que si tu y es, t’es blindé. Rien de ça n’est vrai, sauf peut-être pour les gens qui passent à la télé tous les jours… On gagne notre vie normalement dans les deux cas.
On me dit à l’oreillette que tu n’as pas toujours été humoriste, tu as un master en économie. Comment s’est fait ce changement, quel a été le déclic ?
Quand je suis arrivé à Toulouse pour mes études et parallèlement à mon travail chez Airbus, j’ai fait du théâtre d’impro à la Brique de Toulouse. Puis, il y a eu ce concours avec les Chevaliers du Fiel au Rex de Toulouse, dans lequel on devait proposer 5 minutes de stand up. Je me suis chauffé en me disant que 5 minutes ça allait, et ça s’est super bien passé, le public répondait bien et riait. C’est comme ça que j’ai eu ce déclic de tout lâcher pour me concentrer sur le stand up et aussi l’impro. Au début, je gagnais ma vie en donnant des cours d’impro dans les lycées et je faisais du one man en parallèle. J’ai fini par devenir intermittent grâce à mes spectacles.
Comment tes proches ont vécu ce changement de vie ?
Ils m’ont plutôt toujours soutenu, je leur ai toujours dit que je voulais être acteur. Mes parents voulaient que je fasse des études car j’étais pas mauvais, ce que j’ai fait. Après, c’est normal qu’ils soient flippés au début. Lorsque j’étais prof d’impro, j’étais auto-entrepreneur donc tu manques clairement de stabilité financière. Maintenant, ils voient que je m’investis à fond, que je fais des trucs sérieux, ça les rassure. Et puis bosser pour la télé, ça aide à paraître crédible à aux yeux des parents (rires)…
Ton meilleur souvenir en tant qu’humoriste ?
Un des meilleurs, la première de la Toulouse Comedy Night. La salle était remplie avec une ambiance de folie. On avait créé notre propre truc à notre image. C’était vraiment une grosse bouffée d’émotions. Il y a aussi ma première partie de Caroline Vigneaux, au Palais des Glaces. C’était ouf de voir toute cette salle rire et applaudir. Quand je suis sorti de scène et que Caroline s’apprêtait à y rentrer, elle m’a fait un petit signe de tête en guise de validation, ça m’a vraiment fait plaisir. Pour moi, ça veut dire tous les mots du monde !
Et le pire… ?
Un mauvais souvenir, c’est quand j’étais sur une scène d’un festival, où vraiment je suis sorti de scène, j’étais pas bien, je me trouvais pas au top du tout. Mais c’est aussi ce qui te permet de de te remettre en question et de t’améliorer. Je veux vraiment que les gens soient très contents, et pas juste « assez contents ». J’essaie de les honorer. Même s’ils me disent « Mais si c’était bien », ça ne me rassure pas. Mais continuez à le faire hein ! C’est juste qu’on est perfectionnistes, tous les humoristes sont comme ça.
Est-ce que tu penses qu’il y a des prédispositions à faire ce métier ?
Tout le monde peut progresser en tout, c’est prouvé. Mais on ne peut pas faire tous le même métier. Si t’as le sens de la scène, c’est sûr que ça va plus vite. Mais tu peux aussi y arriver en étant timide, ce que je suis à la base, en transformant cette timidité en blague.
Tes sujets de prédilection ?
J’aime pas trop parler de moi, je trouve pas ça très intéressant. Je parle de sujets qui m’intéressent et qui parlent à tout le monde, qui me semblent important comme la politique, la religion, le sexisme, le racisme…
Des projets pour la suite ?
J’aimerais vraiment avoir un spectacle récurrent à Paris, pour évoluer dans le milieu parisien et avoir d’autres opportunités. Je mise sur janvier 2019, Inch Allah, comme on dit en suédois !
Des bons plans pour Bobby 🙂 ?
Sans vouloir faire de pub, la Toulouse Comedy Night (tous les mercredis soir au Duplex à 20h) ! Le Comptoir du Rire et la Cave Poésie qui font aussi des scènes ouvertes. Et enfin l’annexe de la Comédie de Toulouse, où il y a d’autres jeunes humoristes à découvrir.
Gabriel Francès joue son spectacle « Gabriel Francès parle pendant à peu près une heure », à l’Entrée des Artistes de la Comédie de Toulouse. Prochaines dates : 28 février, 28 mars, 25 avril.
On peut le voir régulièrement faire des passages sur la scène ouverte de la Toulouse Comedy Night, tous les mercredis soirs à 20h au Duplex.
Gabriel Francès est sur l’Internet, sur Facebook, et sur Insta (conseil : regarde les stories)